Flashback Place de la Nation

Une fleur publicitaire annonçait le printemps

Duc, reste ! et Duc resta, la bille erre.

Devant nous, la place de la Nation et la sortie du métropolitain déversant sur le sol gris le flux sanguin de notre chère capitale.
Il est seize heures ce seizième jour de mars et dans nos yeux il n'y avait plus aucune place pour les passants. Le kiosquier du coin est enfermé dans une lucarne sombre bordée de carrés multicolores et ressemble au sorcier d'un conte pour enfants, impassible derrière ses lunettes et son teint violacé, il est seul, tout seul, et reste seul. Seul dans son antre à contempler les pigeons et les cieux, seul immobile et droit comme une erreur au milieu d'une foule uniforme qui résulte pourtant de l'ajout des ego.
Tout est un tintamarre flasque comme la perpétuité, où agitations et grognements s'entrechoquent à chaque pulsation de la ville. Le barouf du chantier des obélisques jouant de concert avec les moteurs vrombissant des chevaux de tôle mais aucun d'eux ne sachant se défaire de la mélodie des conversations inachevées.
Le seul à se démarquer nettement du brouhaha sensoriel de cette saison aux abois n'est autre que le vent léger qui lèche de toute sa langue ce tableau vivant. Je me retire dans le vide à l'aide du tabac et exhale le monde dans un souffle grisâtre où mes pensers pavoisent et ruminent le temps qui tantôt disparaît au loin dans le fracas.

Magique est l'instant car il est pour moi mon alcool puissant et mon chapeau de joie.
Un pigeon obèse se dandine et cogne bêtement son bec sur le goudron, Duc est resté, il me déclame ses rêves tant rêvés, il finit lui aussi sa bouteille et je vois dans le fond de son oeil une gaieté inépuisable, alors je saisis poétiquement la feuille de tilleul pâle comme un dernier soupir, je referme mon poing et sens craqueler un vieux sourire séché qui s'échappe entre mes doigts, et nous promet le pire, un empire sans émoi.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire